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Sunday, January 08, 2006

Blogging in the Arab world

L’Afrique du Nord blogge à gogo
Petit tour d’horizon de la blogosphère du Maghreb et du Machrek

jeudi 29 décembre 2005, par Olivia Marsaud


Phénomène mondial, l’explosion des blogs, sortes de journaux intimes sur Internet, n’a pas épargné l’Afrique du Nord. Du Maroc à l’Egypte, la communauté des bloggers s’étoffe. A côté de blogs très personnels, d’autres sont très engagés politiquement.


La blogosphère mondiale n’en finit pas de s’étoffer. Et l’on peut dire aujourd’hui que les pays du Maghreb et du Machrek font montre d’un beau dynamisme en matière de blogs. Par exemple, Maghreb Blog regroupe des bloggers de Tunisie, du Maroc et d’Algérie. C’est une plate-forme de rencontres sur laquelle les bloggers discutent de leur région, partagent leurs idées, analysent ce qui les sépare et les unit.

Les bloggers tunisiens ont jugé l’année 2005 « exceptionnelle » en matière de création, et TN-Blogs, « agrégateur fédérateur de blogs tunisiens », a lancé les Tunisie blog awards 2005, avec vote des internautes. Le Prix du Meilleur blog a été décerné à La Rebelle blog, un « Blog de rébellion autour d’une tasse à café, émoi, vérité... » d’une Tunisienne installée au Canada, qui existe depuis mai 2004. Il y avait sept autres catégories : meilleur article, meilleur blog généraliste, meilleur blog intimiste, meilleur sens de l’humour, meilleur blog thématique, meilleur espoir, Blog coup de coeur 2005... Les prix ont été annoncés lors du 9e Tunisian Blogger Meetup, le 25 décembre dernier, à Tunis.

Bienvenue en blogoma

Côté Maroc, les bloggers du Royaume chérifien ont su se faire remarquer... C’est le cas du e-journaliste Tarik Essaadi avec Al Jinane, qui a reçu, en juillet dernier, le prix du Meilleur blog africain pour la liberté d’expression, décerné par Reporters sans Frontières. Son mot d’ordre : « Blogger pour comprendre la complexité du monde ». Essaadi espère que son blog encouragera les jeunes Marocains à se lancer dans l’aventure et « explorer la liberté de ce nouvel espace ». « J’aime les blogs qui parlent de choses inattendues, qui secouent la société et qui explorent la culture sous toutes ses formes. » Pour pousser les Marocains à s’engager dans cette voie, il a participé à la création de Webzine Maker, la première plate-forme marocaine de blogs. Il est aussi à l’origine du « portail à blogs » Blog.ma qui permet de créer son espace très simplement.

Il existe à présent un réseau MBN (Morrocan Blogger Network), « un réseau d’interconnexion d’êtres humains » qui a pour but le « partage d’informations, d’idées et de feelings ». Jeunes du Maroc, un portail dédié à la jeunesse du pays, analyse le phénomène : « Le sens d’appartenance au sein de la communauté marocaine de bloggers est très aigu. Se plaçant entre le monologue et le dialogue, le weblog dégage des commentaires. Un simple suivi des commentaires émis sur les blogs marocains prouve que le ‘blog-comment’ a aidé à l’émergence d’une communauté très soudée : la blogoma. Loin d’être un réseau professionnel ou une communauté axée sur un loisir ou une cause, la blogoma est, avant tout, un réseau relationnel de très haute qualité formé par des individus qui se lisent fréquemment. Les bloggers Marocains se connaissent très bien entre eux. »

On trouve pas mal de ressources sur les blogs marocains, sur le site Jankari.org (« Je partage donc j’existe »). Et on peut citer, entre autres, Le blog de Othmane, 22 ans, de Casablanca et qui veut faire de son blog « un espace de tolérance, de discussion et de réflexion autour de ce qui préoccupe l’humanité ». Ou encore Laila’z Blog, le blog, en arabe et en français, d’une jeune détentrice d’un BTS en génie informatique qui vit à Rabat. Un blog « Pour la Liberté d’Esprit, d’Imagination et de Sentiment, pour dévoiler tous ses Secret d’Enfance !!! »

Surprises égyptiennes

Les blogs algériens sont un peu en retard. « En 2005, le nombre de blogs traitant de l’Algérie et/ou faits par des Algériens se comptent sur les doigts de la main », regrette le blogger Hchicha. Effectivement, contrairement aux Algériens vivant à l’étranger ou aux jeunes Français d’origine algérienne qui se sont appropriés rapidement ce mode d’expression, les Algériens d’Algérie sont encore timides. On note celui de Fériale Baba Aissa, écrivain et plasticienne, celui de Sam, son Alger intime, ou encore Ya Rayi : « Jeune, Algérien, le raï est ma philosophie, l’espoir ma raison de vivre »...

Les vraies bonnes surprises viennent d’Egypte ! C’est dans ce pays, et en dehors des cyber-dissidents tunisiens, que l’on trouve les blogs les plus engagés. Sur Freedom for Egyptians, Rantings of a Sandmonkey ou The Big Pharoah, on peut lire des témoignages de première main sur ce qui se passe vraiment dans la rue égyptienne comme lors des dernières élections et des manifestations qui les ont suivies. Loin des versions officielles, les blogs se font les relais d’une vérité embarrassante pour le pouvoir et ont su s’imposer comme une véritable source d’informations.

Alaa et Manal parlent aux Egyptiens

Ils ont été aussi le lieu de virulentes campagnes contre le gouvernement en place, rassemblant de nombreux activistes. Ce qui fait même dire à certains analystes étrangers que les bloggers égyptiens seraient devenus une « force politique »... Parmi ces militants, le couple de plus en vue est sans aucun doute Alaa et Manal qui, sur leur blog Manalaa prennent position et exposent leurs points de vue avec une grande liberté de ton et beaucoup d’humour. A la réponse « 5 choses que je ferais avec 100 000 000 de dollars », Alaa répond notamment : « J’en donnerai un peu à Moubarak en échange de la démocratie (mais 100 000 000 de dollars sont-ils suffisants ?) » et Manal : « Voyager à travers le monde et acheter un serveur pour héberger les blogs arabes libres ».

Alaa, 23 ans, est l’un des leaders de la communauté des bloggers de son pays. Avec d’autres, il a réussi à organiser une manifestation par Internet qui a rassemblé 300 personnes au Caire, en juin dernier. A sa suite, trois autres bloggers égyptiens ont organisé une veille anti-terroriste à la bougie, après les attentats de Sharm el-Sheikh, le 23 juillet. Autre fait marquant : alors que la plupart des bloggeurs étaient concentrés au Caire, il en vient maintenant d’un peu partout dans le pays comme Miss Mabrouk of Egypt, basée à Maadi, Kareem Amer d’Alexandrie ou The Egypt Blog de Mamduh Shawqi qui habite Héliopolis (banlieue cairote).

Du blog à la prison

Mais ce déferlement de liberté de parole n’est pas sans danger pour les bloggers. Abdel Karim Nabil Soliman, 21 ans, en sait quelque chose. Cet étudiant de l’Université religieuse d’Al Azhar, au Caire, a été emprisonné par la Sécurité d’Etat après avoir publié plusieurs articles sur son blog, dans lesquels il critiquait l’islam... « Persécuter et enfermer des gens qui expriment leurs opinions n’est pas un fait nouveau en Egypte », écrivent Manal et Alaa sur leur blog. « Mais, à ma connaissance, Abdel Karim est le premier blogger égyptien à être détenu pour ses idées. J’ai bien peur qu’il ne soit pas le dernier. Nous sommes tous en danger (...) à cause de ces gens qui ne supportent pas que d’autres soient en désaccord avec eux sur des thèmes comme la religion. Malheureusement, ce genre de personnes est en majorité dans la société égyptienne. »

Le décalage entre les bloggers et leur société semble s’agrandir de jour en jour. Quand on a goûté à la liberté, même par écran interposé, difficile de s’en passer. Le jeune blogger tunisien de Sup’Comian Life écrit : « J’ai toujours été convaincu de la beauté des rencontres cybernétiques. Les blogs nous offrent bien plus que des rencontres, ils nous offrent des êtres dans leur plus grande sincérité, dans leur absolue fragilité. (...) Cherche-t-on du réconfort en bloggant, de l’amour, de l’attention, un défouloir, remplir un vide existentiel qui sommeille en chacun de nous ? (...) Dommage que notre société ne soit pas à l’image des blogs qu’elle engendre. Sans doute qu’elle le sera un jour. »

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